Un problème de plus en plus d’actualité : peut-on rire de tout ?
crédit image : Kroll (Belgique), Le Soir
J’ai retrouvé récemment un texte qui datait du milieu des années cinquante et
concernait la femme du président de la République René Coty. La malheureuse qui
décéda avant la fin du mandat de son mari présentait un embonpoint remarquable
et remarqué. Toutefois, à côté de certaines femmes d’Océanie d’aujourd’hui on rappellerait que « comparaison n’est pas raison ». Bref, j’en reviens aux années cinquante. Les « chansonniers », comme on appelait les humoristes de l’époque,
brocardaient la première Dame. Du style : « le trou de la Sécurité sociale se creuse,
mais Madame Coty le comblerait sans problème ». Admirez la finesse ! Toujours
est-il que tout en respectant la liberté de parole, le Président fit savoir que son
épouse était très affectée par ces attaques sur son physique et que, bon époux, il
souhaitait que les chansonniers modèrent leurs propos. Ce qu’ils firent ! Quel
humoriste en 2023 modèrerait ses blagues à deux balles à la demande d’Emmanuel
Macron sur son épouse Brigitte Trogneux ?
Aujourd’hui, le monde va plus que mal. L’humour servirait-il de thérapie (de terre
api écrivent les illettrés de chez nous) à nos angoisses ? Je le pense puisque je le
pratique régulièrement. Pourtant l’humour devrait avoir ses raisons que la raison
devrait connaître (voire comme naître !).
Je suis franchement agacée quand j’entends à la radio nationale ou à la télé des
blagues à un euro cinquante et plus encore d’entendre rire les personnes sur les
plateaux, alors qu’elles n’ont souvent ni bien compris où se logeait l’humour, ni la
portée des formules à l’emporte-pièce. Mais comme les personnes présentes sont
payées pour soutenir « l’humoriste », la chaîne espère bien que les auditeurs riront
aussi, sinon cela signifierait qu’ils ne comprennent pas les blagues. Les plateaux de
radio et télé sont devenus des poulaiIlers où ça caquette à qui mieux mieux. Il m’est
arrivé de rire « par entraînement » !
« Comparaison n’est pas raison » écrivis-je plus haut. Comparer tel ou tel à Hitler
ou à Mussolini montre souvent que le « comparateur » n’a pas conservé grand-
chose de son passage à l’école !
Dans ce monde qui va si mal, il ne faudrait pas ajouter du mal au mal et, si humour
il y a, lui assigner quelques limites. Bien sûr, on pourrait toujours se moquer du
Hamas, par exemple : « à Gaza le Hamas est à la ramasse et n’amasse pas mousse ».
Mais je vous le jure, je n’écrirai pas ce genre de phrase au demeurant fort médiocre.
Alors, je vais me contenter de quelques traits acérés et sans continuité, mais j’espère
que cette fois encore, vous apprécierez et reconnaîtrez les limites que je me donne.
Allons-y dans le désordre.
Macron inaugure à Villers-Cotterêts (département de l’Aisne) le musée de la langue
française et de la francophonie. Dans un an ou deux, il inaugurera à Niamey, au
Niger, le musée de la francophobie ! Il paraît que quelques intellos du Fenua
envisageraient de s’y rendre, plutôt qu’à l’ONU où plus personne ne les écoute. Il
est vrai qu’aller à New York pour déplorer qu’en saison des pluies il pleut à cause
des essais nucléaires n’était plus très porteur (de valises).
Espagne : le Premier ministre Sanchez conserve son fauteuil ! Il pourra donc
s’asseoir malgré son nom ! Encore que l’actualité ne lui laissera pas beaucoup de
temps pour stagner au même endroit.
Une Hidalgo chez les Ma’ohi : elle aurait emmené ses castagnettes qu’elle n’aurait
pas fait plus de bruit. Et à Paris, on se scandalise : comment une maman ose-t-elle
aller visiter sa fille à Raiatea ? Et que je te calcule son empreinte carbone et le coût
du voyage ! On l’accusait même, rendez-vous compte (d’apothicaire) d’avoir
emprunté un hélicoptère, ce qu’elle dément et trouve dément. En fait, il aurait fallu
l’hélitreuiller pour la sortir des polémiques (et de Paul-Émile à Bora Bora) dans
lesquelles elle s’est embourbée. En tout cas, comptez sur certains irresponsables
politiques pour culpabiliser tous ceux qui voudraient venir visiter nos îles.
Président Moetai aussi parcourt le monde au grand dam de ses oppositions qui en
font tout un ramdam. Président à nous dépose son empreinte carbone dans les
deux hémisphères. Il aurait de bonnes raisons à ça : aller voir ailleurs ce qui se fait
de mieux pour l’importer chez nous. En son temps, Tavana Oscar allait de ville en
ville étudier comment on pouvait se débarrasser des ordures ménagères. Espérons
que le beau-fils, lui, trouvera les solutions rapidement à nos problèmes.
Et il ne voulait surtout pas rater le match de foot France contre Gibraltar. Il fut
invité par le maire de Nice, Christian Estrosi qui, en 2007, avait conçu une loi
électorale dont le but avéré était d’empêcher le Tavini de revenir au pouvoir. Pas
rancunier le Moetai ! Vous connaissez le score du match : 14 buts à zéro ! Président
Moetai a pu apprécier combien est forte une équipe qui réunit des Français de
diverses origines et combien il est heureux que l’équipe nationale ne soit pas toute
blanche !
Aux Tuvalu, tout semble prévu pour que les populations de l’archipel polynésien
abandonnent les atolls menacés de submersion. L’Australie accueillera 280 réfugiés
climatiques par an. Les enfants de nos écoles pourraient travailler sur le problème
suivant : à ce rythme, combien d’années seront-elles nécessaires pour évacuer les
quelque 12 000 habitants actuels, sachant que le nombre d’enfants par femme est
de 5,4 et que le niveau de la mer s’élève chaque année de 2, 3 cm, le niveau
supérieur des terres émergées étant de 2 mètres.
Aux Tuvalu toujours, l’absence de ressources est compensée par l’aide
internationale et par le rapport non négligeable des royalties au nom de domaine.tv, mais voilà que les Églises puritaines, avec leurs grosses mitaines, se scandalisent
car des sites pornos l’ont acheté pour 23,99 euros par an.
Et chez nous, y a-t-il de quoi rire devant le spectacle donné par nos élus ? Tiens, il y
en a un qui n’est pas mal. Vous avez reconnu un ancien pasteur qui a oublié que
pour Dieu, il n’y a ni Juif ni Grec comme dit la Bible, mais seulement des créatures
divines dont la couleur de peau importe peu. Il prétend que la population blanchit !
Mensonge, car même les popa’a, avec le réchauffement climatique de surcroît,
deviennent ici cramoisis et ce n’est pas pour rien que le mot popa’a a été créé. Et
comme il n’est pas en reste sur des analyses farfelues, il ne croit pas les statistiques
de l’ISPF qui montrent que de nombreux habitants (Ma’ohi ou pas) quittent chaque
année le Fenua. Il ne croit pas les très sérieux travaux de l’ISPF, mais il croit que
Jésus changea l’eau en vin ! Ce représentant à l’APF préfère se fier à son ressenti,
un peu comme dans le domaine des températures. Il ressent que les entrées sont
plus nombreuses que les départs ! C’est fou comme les gens qui ne lisent jamais
rien ont une confiance absolue dans leur ressenti. Avec ça, tu parles si on va
encourager les jeunes à faire des études ! Le plus drôle, c’est que ledit pasteur
s’insurge du fait qu’il n’y a pas assez de Ma’ohi aux postes de responsabilités. Si les
diplômes s’obtenaient grâce au ressenti, imaginez des juges qui diraient : « je ressens
que le prévenu est coupable », un prof qui estimerait : « je ressens que cette copie
est bonne » et un gendarme qui verbaliserait : « je ressens que la petite dame est
passée au rouge »…
Au Fenua toujours, une belle initiative : s’intéresser à la communauté LGBTQIA+.
On a entendu des choses intéressantes à l’UPF à cette occasion, notamment
certaines Églises reconnaître qu’elles avaient manqué de charité avec celles et ceux
« qui n’étaient pas comme tout le monde ». En grammaire, c’est parfois compliqué
de reconnaître le genre de certains mots, mais alors que dire de certaines
personnes ?
Il risque d’y avoir désormais des problèmes lorsqu’un (ou une) président(e) de la
République s’adressera « au peuple ». J’imagine que le traditionnel « Françaises,
Français » sera bientôt abandonné et remplacé par une formule du type :
À vous, différents êtres humains qui vous reconnaissez dans un genre quelconque et
infiniment respectable et plus particulièrement, vous qui faites partie de notre nation, libre,
ouverte et qui s’attache à abolir toutes les frontières entre celles et ceux qui peuplent notre
planète…
Je vais du reste déposer la formule pour qu’elle ne me soit pas subtilisée par un ou
une démagogue en mal d’élection.
Pour terminer, lectrices, lecteurs, vous aurez compris qu’en ces temps difficiles, j’en
suis à m’interroger sur mon propre humour. C’est rigolo, je ne trouve pas ça drôle.
De désespoir, je récite ce vers de Stéphane Mallarmé (1842-1898) :
« La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres ».
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