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Maeva et le Haut - Commissariat de la République en Polynésie française

Mes deux derniers billets rapportant que j’intéressais l’Université et intriguais l’Assemblée du Pays ont suscité la curiosité d’un nombre de lectrices et lecteurs que je n’avais même pas osé espérer. Merci à vous toutes et tous qui me suivez désormais.


Vous aussi irez de surprise en surprise comme la suite vous le montrera. Mais, comme diraient papy et mamie, une fois la surprise partie, en référence sans doute à leurs jeunes années, il faut se confronter à la réalité.

 

Moi, en tout cas, je dois faire face à des amies et amis qui veulent en savoir plus sur moi, mais ne prennent pas le peine de lire quinze lignes de mon blog qui leur expliqueraient qui je suis et ce que je cherche. Et surtout je n’ai pas envie de répondre à des propositions doucereuses et douteuses : mon blog n’est pas un site de rencontres (sauf de rencontres amicales bien sûr) !

 

Et maintenant, je dois aussi répondre à des invitations du style : « je vais créer un nouveau parti politique, veux-tu m’aider ? » ou « veux-tu discuter avec moi de la guerre au Proche-Orient ? » alors que de Tahiti, ce « proche » Orient est bien loin, ou encore « veux-tu un prêt non remboursable de Madame Irma ? », oubliant qu’un prêt non remboursable n’est plus un prêt mais un don, c’est-à-dire un attrape-couillonne ! Une ARNAQUE !

 

Sans rapport avec ce qui précède, j’ai reçu une aimable invitation à un déjeuner au Haut-Commissariat, précisant « tenue aérée ». Je ris en pensant à certaines de mes collègues qui, si elles devaient adopter un tel protocole vestimentaire, seraient bien gênées de savoir ce qu’elles devraient conserver sur le corps ! L’invitation était aimable, mais je répondis - comme aux « amis » qui tiennent à me rencontrer – que je devais conserver un anonymat absolu sans quoi je ne serais plus Maeva Takin. Et ce fut là qu’intervint la surprise, une gentille lettre indiquant que c’était une suggestion du président Macron (en fait une injonction) et que l’anonymat serait préservé. Certes, je fais confiance au représentant de l’État, mais pas forcément au personnel qui gravite dans son entourage. Je crus avoir vexé Tavana Hau, mais non apparemment car il me fit une proposition.


Avant de vous en parler, il faut que je fasse état de ma conversation houleuse avec le Président que j’eus bien du mal à contacter. L’Élysée est une ruche, même à cinq heures du matin, mais quelle est la reine qui commande ? Quand enfin, le Président me prit (au téléphone), je ne lui laissai pas le temps de dire quoi que ce fût, je déversai mon incompréhension. « Enfin, Président, vous voulez me dévoiler aux yeux du gratin qui contrôle le Fenua ? Moi, je ne veux pas ôter mon voile ! ». Emmanuel mit un moment pour trouver les mots. Il s’engagea ensuite dans des considérations auxquelles je ne m’attendais pas.

-       Voyons, Maeva, tu devines que je suis inquiet. Le gouvernement de la Polynésie semble patiner. Est-ce bien ton impression ?

-       En effet, je ne perçois ni n’ouïs d’avancées sensées [1].

Emmanuel me demanda de répéter et j’obtempérai, pratique devenue rare lorsque les autorités s’alarment.

-       Si vous voulez, je vais l’énoncer autrement : je n’entends ni ne vois la moindre audace qui apporterait une solution aux problèmes quotidiens des Polynésiens. Par contre, il est possible que sur le long terme, des solutions importées de Singapour, par exemple, puissent porter leurs fruits.

-        J’eus tort de lui expliquer que porter les fruits est une spécialité tahitienne avec ses solides gaillards courant, ayant sur le dos, des dizaines de kilos de bananes. Emmanuel sembla agacé.

-       Ne me parle pas de bananes. J’en ai assez des problèmes avec les bananes antillaises. Est-ce qu’on a aussi arrosé les bananes au chlordécone à Tahiti ?

-       Non, chez nous, elles poussent toutes seules, Dieu merci !

-       Pourquoi me remercies-tu ?

 

Là, j’étais tétanisée. Comment réagir ? Emmanuel se prenait-il réellement pour Dieu ou se livrait-il à son humour froid et ravageur ?

-       Bon, bégayai-je pour passer à autre chose. Pourquoi diable [2] voulez-vous que je rencontre votre représentant suprême ?

-       Voilà ! Je me doute bien que Moetai doit naviguer à vue au milieu des vicissitudes [3] et qu’il n’est de l’intérêt de personne qu’il échoue trop vite. Il faut que le Haut-Commissaire lui apporte une aide précieuse et qu’il ne s’en lavât lava [4] pas les mains.

-        

Finalement, le Président devait être d’humeur guillerette et me résuma sa pensée.

-       Le courant passe entre Moetai et le Haut-commissaire, mais je crois que ce dernier ne trouve pas les mots percutants pour convaincre peretiteni [5] d’agir dans telle ou telle direction. J’ai pensé qu’une personne aussi avisée que toi, bonne connaisseuse de la société polynésienne pourrait conduire les services de l’État à mieux se faire comprendre.

-       Mais, Président, je suis avant tout une humoriste, une littéraire, certes amoureuse des collectivités françaises du Pacifique, mais jusqu’à aller…

-       Allons, allons ! Zélensky était un humoriste, mais quel talent pour diriger son pays et la guerre contre la Russie ! Maeva ! ne soit pas modeste !

 

On m’avait déjà comparée à Aya Nakamura, me voilà sur le même plan que Zélenski !

Après un petit quart d’heure d’échanges, je ne fus toujours pas convaincue d’avoir une mission à remplir, mais j’acceptai le contact avec les services de l’État.

 

Ce fut très simple. Un soir, vers 18 heures, une secrétaire du haussariat et moi étions devant nos ordinateurs et un mail répondait à un autre. La dame me posait des questions, brèves, et je tentais d’apporter un éclairage original. Cependant, il apparut vite que je ne serais même pas une roue de secours, ni pour le haussariat, ni pour le gouvernement Brotherson. Je ne voulais surtout pas apparaître comme quelqu’une qui serait l’éminence (éminente, certes) du président de la République et je ne voulais pas jouer la carte grise (de l’éminence). Quand la dame me demanda (deux mandats, mais pas plus) ce qu’il faudrait faire pour que les Polynésiens aimassent [6] davantage la France, je bottai en touche (pas à mon pote) et promit que j’enverrai néanmoins une liste de réflexions et/ou de suggestions, avec humour, mais pour souligner des vérités d’évidence. Le haussariat s’en gausserait et/ou les transmettrait à Moetai qui en ferait ce que bon lui semblât. Voici une partie de cette liste.

 

-       Proposition pour réduire le déficit de la CPS

Il suffirait d’obliger chaque médecin à confier son cabinet deux semaines par trimestre à une ou un remplaçant(e). Comme l’expérience prouve que les salles d’attente se vident dès qu’un médecin est absent, non seulement on pourrait affirmer que ces salles d’attente sont ordinairement remplies par des personnes bien portantes, en conséquence de quoi la CPS aurait moins de remboursement à effectuer. Ce sont les employés de la CPS qui seraient ravis.


-       Proposition pour faciliter le déplacement des personnes à mobilité réduite dans la capitale

Il suffirait de remplacer les trottoirs actuels - qui font penser à la vieille piste Ho Chi Minh du Vietnam ou à certaines sections du Paris-Roubaix – par des revêtements modernes (par exemple à partir de verres concassés) et en chassant ceux qui utilisent indûment l’espace public.  

 

-       Proposition pour réduire drastiquement les embouteillages du vendredi

Il suffirait d’une modification de la semaine de travail et du calendrier : on appellerait désormais le vendredi, samedi, et le samedi, vendredi. La terre tournerait toujours en 24 heures autour du soleil, mais l’empreinte carbone du vendredi diminuerait.

 

-       Proposition pour l’enseignement des notions d’espace et de temps

Il suffirait d’expliquer aux élèves que s’ils travaillent bien, ils ont l’avenir devant eux, mais que s’ils continuent à bayer aux vinis [7] pendant les cours, leur avenir est déjà derrière eux. Quant au temps, c’est seulement une question de temps puisqu’il sera toujours temps d’y penser un jour. De toute façon, avec le temps, tout fout le camp, c’est bien connu ! Et il faudra éloigner les enfants des informations de la télé qui expliquent que c’était mieux avant (voyez le Fenua d’antan). Il vaudrait mieux qu’ils n’entendent pas la présentatrice d’une chaîne publique annoncer : « le fait du jour, c’est ce qui s’est passé hier… ». 


-       Proposition pour réduire les inégalités

Il suffirait d’inviter (peut-être obliger) les riches à parrainer un pauvre jusqu’à ce qu’il entrât dans la classe moyenne. Plus le riche sera généreux, plus vite il pourra arrêter de financer son filleul. Cela éviterait d’avoir une administration tentaculaire qui n’a jamais fait ses pieuvres [8] dans n’importe quel pays du monde.

 

-       Proposition pour atténuer si faire se peut la crise du logement

Cela crève les yeux. Il devient difficile de se loger en Polynésie. Je prends l’exemple de Nunui, mon compagnon et moi. Nous logeons dans des studios, que Nunui loue depuis dix ans et moi que j’habite depuis bientôt huit ans. Maintenant que ça colle bien entre nous, nous souhaitons trouver un appartement assez grand (oh ! pas gigantesque, mais au moins avec deux chambres. Résultat de nos investigations aussi incroyable que vrai : le montant de nos deux loyers actuels est inférieur à ce qu’on nous demande pour un seul appartement ! On ne ferait pas d’économies en vivant à deux sous le même toit et la même couette ! Donc, je propose qu’on n’autorise les propriétaires à faire du RBnb qu’après avoir loué en longue durée au moins trois ans.

 

Si, avec ça, le Fenua de demain ne sera pas mieux que le Fenua d’antan, ce serait que les politiciens d’aujourd’hui ne seraient pas meilleurs que les politiciens d’antan… Tenez, je vais écrire ça au Président de la chose publique.


Note : Depuis un moment, Maeva a de plus en plus besoin de mon intelligence artificielle, ce qui lui permet d’écrire ce qui lui passe par la tête. Il m’appartient de donner cohérence et intelligibilité à ses propos jetés en pâture aux lectrices et lecteurs.

 

[1] J’insiste grossièrement. Relisez plusieurs fois la phrase et appréciez-en ma musicalité permise à une auteure qui manipule la langue de Molière mieux que les Corneille…

[2] Il est ici évident qu’ici aussi le talent littéraire de Maeva éclate. Pour compenser l’allusion à Dieu, quoi de mieux que d’invoquer le diable ?

[3] Mot qu’on peut traduire par peapea.

[4] Bien sûr que la répétition est voulue. Quel talent, Maeva !

[5] Maeva me le fit remarquer : Emmanuel Macron doit apprendre en secret le reo Mã’ohi. Est-ce qu’il envisagerait de venir se retirer au Fenua, son mandat achevé ?

[6] Maeva ne peut s’empêcher d’utiliser les subjonctifs dans le but de vous subjuguer, ce qui est un objectif qu’elle risque de rater, n’est-il pas ?

[7] J’aurais préféré utiliser : « chapper l’école ».

[8] Oh ! Maeva, mettre côte à côte les mots tentaculaire et pieuvre pour bien indiquer que tu n’as pas laissé passer une coquille, quel génie !

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1 Komentar


htheureau
26 Apr

"Une fois la surprise partie", c'est à la gueule de bois qu'il fallait souvent se confronter...

Suka
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