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La Vénus aux tantôt (sic)

Miranda est une Tahitienne authentique – même si je ne sais pas ce que cela signifie réellement – mais je crois que les lecteurs m’auront comprise.



Tahitienne authentique donc (vous verrez plus loin pourquoi j’utilise l’expression à dessein) mais avec un incroyable accent du Midi de la France. Au bureau, plusieurs collègues étaient en classe avec elle à Papeete et se souviennent qu’elle parlait avec l’accent de chez nous et s’amusent du changement opéré.


À l’âge de vingt ans, elle rencontra un jeune prof expatrié originaire de Nice et les jeunes gens connurent un amour « torride », comme l’écrirait la presse people. Quand le contrat du prof s’acheva, Miranda accompagna son chéri. La voilà donc dans la ville de Nice où rapidement son Niçois la déçoit et prenant un billet sans retour pour Papeete et sans que le compagnon n’y soit… Elle ramena cependant dans ses bagages l’accent qu’elle prit sur la promenade des Anglais, pour ne plus le quitter (je parle naturellement de l’accent). Chacune et chacun se demandait comment elle faisait pour le garder alors qu’elle était à nouveau dans son environnement familial et culturel et… fréquentant plus d’un Ma'ohi bien typé.


Au bureau, Miranda multipliait les mots et expressions apprises à Nice (peuchère ! par exemple) et en particulier plaçait chaque fois que possible (et parfois impossible) un « à tantôt » ou « je le ferai tantôt ». Tantôt, tantôt… nous surveillions à quel moment elle le lâcherait. Nous échangions des regards entendus (vous savez cette curieuse expression qu’un regard pourrait être ouï, comme si un son pouvait être vu) ou nous répliquions des « à tantôt » marqués par une mauvais imitation de sa prononciation.


Ce fut alors que Karl crut génial de la baptiser « la Vénus aux tantôt ». Karl avait commencé des études d’ethnologie qui n’eurent d’autre utilité que de lui donner une idée de sa supériorité intellectuelle. Il avait été passionné par l’histoire de la Vénus Hottentot (en fait, on doit dire hottentote). Vous la connaissez bien sûr ! Saartjie Baartman, de son vrai nom Sawtche (non, rien à voir avec les montres Swatch (1) ), née en Afrique du Sud (parmi le peuple Hottentot) en 1789 semble-t-il. Esclave emmenée à Londres, elle devint vite un objet de foire en raison des ses formes voluptueuses hors du commun (avec une hypertrophie des hanches et des fesses). À sa mort, en 1815, les savants de l’époque moulèrent son corps qui fut exposé sous cette forme au musée de l’Homme (mal désigné, mais où son corps amusait le public). Son cerveau et ses organes génitaux furent placés dans le formol. L’Afrique du Sud exigea le retour de ses restes dans sa tribu, ce qui fut réalisé en 2002.


La plupart de mes collègues étaient persuadés qu’il n’y avait rien de plus à comprendre que «Vénus aux tantôt » stricto sensu. Peu d’entre eux avaient compris que Karl se moquait aussi des rondeurs de Miranda, mises en valeur par des vêtements moulants. Des rondeurs qui faisaient que beaucoup de jeunes hommes tournaient autour d’elle, rondeurs obligent.


Miranda, donc, Polynésienne authentique et hottentote ! Vous vous doutiez que j’en arriverai là. Vous apprécierez l’allitération (2)


Quant à Miranda, si elle connut son surnom, elle ne le comprit qu’au premier degré. Elle aurait davantage admis qu’on la baptisa Kim Kardashian à laquelle elle s’apparentait physiquement, plus qu’à la susdite Vénus.


Un jour, au bureau, nous eûmes une formation juridique approfondie délivrée par un spécialiste du droit administratif venu d’Aix-en-Provence qui avait l’accent chantant, naturellement, aussi naturellement que Miranda s’efforçait de le garder. Après la première heure de formation, Miranda s’approcha du juriste et l’apostropha – l’œil humide – avec un : « nous sommes du même pays ». Le juriste, qui conservait quelques traces d’une jeunesse blonde, regarda Miranda de la tête aux pieds et finit par répondre : « eh ! bien ! ça fait plaisir ». Et il ajouta - pour être bien entendu – « on en reparle tantôt ». La salle éclata de rire. Miranda se retourna vers l’assistance, les yeux cette fois comme des lance-roquettes et crut améliorer son sort par un : « honni soit qui mal y pense ».


Karl envoya un mail aux collègues, Miranda et chef exceptés, dont le contenu aurait pu lui causer quelque reproche de harcèlement :

Ce que nous a dit, furibonde, Miranda, comment l’écrit-elle ?

Au Niçois qui mal y pense ? (mais à qui pensait-elle ? Nostalgie Miranda ?)

Au nid soit qui mal y pense ? (à un chien, on dirait : couché !)

Honni soit qui mal y pense ? (mais alors, elle serait plus lettrée qu’on ne le pense !).

J’ai passé l’après-midi à œuvrer discrètement pour que l’affaire s’arrête-là et que personne ne diffuse le mail de Karl. Quant à ce dernier, je lui ai remonté les bretelles - qu’il n’a pas du reste – et je lui ai demandé s’il savait ce qu’était un hominicide, histoire de lui faire comprendre que la sororité existait. Il a botté en touche en croyant me calmer par une fake news : si Oscar Temaru est réélu à la mairie de Faa’a en 2026 il baptisera une artère de la commune Vénus Hottentote pour compléter les références à l’Afrique du Sud. J’ai envoyé Karl promener, comme on dit, et devinez où? À la pointe Vénus, bien sûr, pour qu’il y cherche sur la plage quelque Vénus callipyge qui semble l’obséder.


(1) L’intelligence artificielle génère des notes avec ou sans l’accord de Maeva.

Contrairement aux apparences, il n’y a ici nul placement de produit et Maeva ne « touche » rien. Entre Sawtche et Swatch, elle montre (!) ses capacités d’humour. Humour de potache soit dit en passant.


(2) Quand Maeva veut vous en mettre plein la vue ! L’allitération est un procédé littéraire qui consiste à répéter des consonnes, voire des syllabes, visant ainsi à créer un effet puissant sur le lecteur par la sonorité et éventuellement produisant un effet cocasse. Encore quelques procédés comme celui-là et c’est sûr, Maeva sera nominée à l’Académie française.

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