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L’art de l’interview en Polynésie française ou Radio et Télé démagos

Polynésie la Première et TNTV avaient des soucis à se faire. Les deux stations étaient contestées. À l’une, il était reproché de donner trop souvent la parole aux Farani et à l’autre, de ne pas la leur donner suffisamment. Critiques que les deux directrices des chaînes réfutèrent en bloc. La Première se défendit dans la langue de Molière et la seconde en reo ma’ohi. Dans l’opinion publique – c’est-à-dire personne – se répandait l’idée que La Première était la voix de la France et la seconde celle du gouvernement local. Là encore les chaînes se secouèrent et l’une protesta par la voix d’une journaliste connue pour ses sympathies souverainistes et l’autre par un communiqué de quelque présentateur manifestement orange.


Il y avait donc, comme on dit, un espace et, quand on sait que la nature a horreur du vide ou encore que des espaces infinis effraient, des affairistes s’affairèrent sachant qu’il y avait à faire du fric. Stéphane Créneau, le bien nommé, venu dont on ne sait où, avec des fonds venus d’où on sait, déboula un jour à Papeete et eut tôt fait de rassembler autour de lui des gens qui lui ressemblaient, sortis de la Chambre de Commerce et des milieux de la nuit. Sans scrupules, les compères promirent aux souverainistes qu’ils auraient plus souvent qu’à leur tour voix au chapitre (même s’il s’avéra que le chapitre en question tenait davantage du verset ou de la sourate…) et aux orange[1] qu’ils pourraient prendre leurs quartiers (même s’il s’avéra qu’ils eurent plus de pépins que de pulpe) dans la nouvelle station de télé qu’ils ouvriraient. Et ils promirent « au public » une chose et son contraire : davantage de reo ma’ohi, et plus encore de français, abondance de musique locale et plus encore de musique américaine, des arts martiaux à qui mieux mieux et des films sirupeux…


 

Avertissement : toutes les notes qui suivent sont générées automatiquement par notre recours à l’intelligence superficielle. [1] La couleur orange symbolise le parti dirigé par Gaston Flosse depuis 1972.

 

Enfin, c’était Api, donc jeunes et moins jeunes, intellectuels et manuels attendirent avec impatience les premières diffusions. Et ce fut un festival de démagogie qui gêna les têtes pensantes souverainistes, un vacarme assourdissant de musique venue d’ailleurs qui fit l’affaire des prothésistes audio et des interviews qui donnaient le tournis à ceux qui cherchaient la ligne éditoriale de la station Che nou, comme elle se nomma. Allusion à un Che célèbre et adoré de la jeunesse qui ne connaissait rien de lui ? Beaucoup en fait ne remarquèrent pas l’absence de z et de s, tant les SMS avaient produit de dégâts en orthographe.


Stéphane Créneau voulut l’originalité. Il eut l’idée de trouver un interviewer pour des entretiens qui passionneraient les auditeurs. Entendez par là, questions saugrenues, provocations et déballage à tous les étages. Il suffisait de dénicher la perle rare. Appel à candidature : « tu disposes d’une bonne culture générale, tu as de la tchacht, tu n’as peur de rien… quels que soient ton genre, ta taille et ton poids, tu es fait pour le job ».


Le genre ? La taille ? Le poids ? C’est qu’en ces temps difficiles ou tout est prétexte pour que chacun fasse valoir ses droits, il ne faut heurter personne et donc ouvrir largement l’offre d’emploi. Stéphane reçut une vingtaine de candidatures accompagnées de CV les plus extraordinaires les uns que les autres. Une dame ayant noté que l’annonce n’évoquait pas l’âge, fit valoir ses compétences, elle qui avait été l’attachée de presse de Francis Sanford quand il fut élu député en 1967. Un monsieur se targua d’une longue carrière dans la presse : levé dès trois heures du matin, il distribuait Le Courrier Ma'ohi jusque dans la presqu’île. Le quotidien disparut quand un président du pays estima que les éditoriaux lui portaient ombrage. Depuis ce jour, il était au chômage. Un gamin de 16 ans prétendait que c’était fiu des matahiapo de la télé et que lui pourrait attirer les jeunes, les seuls qui comptaient à Papeete. Stéphane retint une dizaine de candidatures de jeunes gens qui avaient suivi des études de droit et de science politique à l’Université française d’Océanie. Il resta cependant dubitatif devant leurs CV qui ne faisaient état que de diplômes obtenus après quelques redoublements et ne mentionnaient que des expériences professionnelles hors le champ de la presse écrite ou audio-visuelle. L’un avait été guide dans la vallée de la Fataua deux saisons, l’autre avait aidé sa grand-mère au marché et une jolie fille se disait déçue de n’avoir pas convenu à des agences de mannequins. Stéphane envoya six dossiers à un célèbre politologue qui avait eu tous ces jeunes gens en cours. L’universitaire griffonna quelques remarques sur les CV. Sur celui de la jolie, une sino-ma’ohi, il écrivit : « si ses écrits s’étaient rapportés à son plumage, elle eût été la majore de sa promotion ». Sur celui d’un jeune homme, Tony Tatarata, dont la photo mettait en valeur ses tatouage faciaux, il nota : « si son visage n’avait pas été aussi encombré, j’aurais pu lire dans ses pensées, pensées que je ne connaîtrai jamais ». Sur le CV d’une dame d’une trentaine d’années, Annabelle Martin, il confia que ni sa photo, ni son nom ne lui rappelaient quelque chose, bien qu’il lui fallût, d’après ce document, onze années d’études pour obtenir sa licence. Le dossier de Nara’i Peni fut ainsi commenté : « Cette personne bavarde en plusieurs langues, sentencieuse, souvent irrévérencieuse, elle est sans doute capable, sauf que dans son cas elle est capable de tout ». Stéphane se demanda pourquoi le politologue avait utilisé le mot « personne ». Il se promit d’éclairer ce problème. Hina Teihotata fut ainsi cataloguée : « En apprenant ses cours par cœur, besogneuse, elle a fini par avoir ses diplômes ; il reste à espérer que sa mémoire dépassera l’espace qui sépare les révisions et les épreuves… ». Enfin, il ne tarit pas d’éloge sur Heinui Taputu : « brillantissime, d’une culture encyclopédique, a surpassé tous ses collègues qui le tenaient en lisière par jalousie ; capable de s’adapter à diverses professions tant il apprend vite ». Stéphane écarta immédiatement cette candidature de quelqu’un qui ne tarderait pas à révéler sa supériorité sur les autres et même sur lui.


Le dossier de Nara’i retint son attention. Quelqu’un qui était irrévérencieux, c’était pile-poil ce qu’il fallait et tant pis pour le politologue dont les critères étaient sans doute trop intellectuels. Problème : pourquoi l’universitaire avait-il employé le mot « personne » ? La photo ne permettait pas vraiment de repérer s’il s’agissait d’un garçon ou d’une fille et le prénom ne disait rien à Stéphane. Il s’enquit auprès d’une de ses secrétaires tahitiennes qui hésita au vu du visage et encore plus en découvrant le prénom qui pouvait être attribué à l’un ou l’autre sexe. « Peut-être que c’est un raerae » dit-elle. Les yeux de Stéphane brillèrent. Quelqu’un qui ne serait ni tout-à-fait l’un, ni tout-à-fait l’autre et même ni l’un ni l’autre, ne cherchons pas plus loin, c’est ce qu’il faut pour que chacun y trouve son compte et pour éviter toute critique en discrimination.


Stéphane voulut rencontrer Nara’i. L’impression première était mitigée. L’allure désinvolte du jeune homme – Stéphane ne douta pas longtemps de son identification – son absence de tout sens de la hiérarchie ne plaidait pas pour une embauche. Mais sait-on jamais ? Il tenait peut-être l’oiseau rare. Il le testa.

- Si vous deviez interroger Gaston Flosse, quelle première question vous viendrait à l’esprit ?

- Tout ce que vous avez fait sur la scène politique depuis soixante ans, c’était pour vous faire plaisir ou pour séduire la femme du moment ? avança Nara’i sans hésiter.


Stéphane était interloqué.

- Et à Oscar Temaru ?

- À quoi pensez-vous le matin en vous rasant ?


Là, Nara’i marqua des points. Si un interviewer a ce culot, pensa Stéphane, ça va décoiffer sa mama.

- Et si vous interrogiez le président de l’Université ?

- Êtes-vous au service de la France ou de l’émancipation de ce pays ?

- Et s’il vous répond « je ne suis pas venu au bout du monde, je suis venu au bout de la France»?

- Vous plagiez, président, vous plagiez, c’est sans doute une habitude à votre poste.


Stéphane avait eu quelque écho d’une affaire de plagiat à l’Université qui avait ému jusqu’en Italie. La réplique était inouïe de la part de ce jeune. Stéphane voulut aller plus loin :

- Si vous aviez carte blanche, quel type d’émission proposeriez-vous d’animer ?

- J’ai pensé à utiliser mon nom, Peni, et intituler l’émission « Aussi pénible soit-il ! ».

- Et vous feriez quoi ?

- Je serais en binôme avec un collègue qui interrogerait des passants dans les rues de Papeete sur les sujets de préoccupation du moment.

- D’accord, alors si un passant exprime son refus catégorique d’être vacciné contre le Covid, vous répliqueriez quoi ?

- Cher auditeur, on n’est jamais assez prudent, tu as bien raison.

- Hum ! Et si un autre poursuit : « C’est à cause des anti-vax que l’économie est paralysée et qu’on risque tous de graves ennuis de santé ».

- Je répondrai : cher auditeur, on voit bien la dimension altruiste dans la laquelle tu t’inscris. Félicitations !

- Et comment concilierez-vous deux réponses contradictoires ?

- Je répèterai que ce qui compte c’est l’amour du prochain, une valeur ma’ohi, et que la bienveillance doit primer en tout. Et j’en appellerai au président Macron et à son célèbre « en même temps ».


Stéphane pensa : « quel culot celui-là ! Il serait parfait pour concurrencer Radio Démago qui raflait des parts de marché ; mais restons sur nos gardes ». Toutefois, il ne réfléchit pas longtemps et embaucha Nara’i en CDD. Il prit aussi la précaution de le mettre à l’épreuve en lui confiant l’interview de quelques personnalités de second plan.

Au maire d’une petite commune des îles Sous-le-Vent, Nara’i demanda : « En tant que maire d’une île Sous-le-Vent, que feriez-vous si la population était vent debout contre vous ? ». L’édile lui demanda de reposer la question en reo ma’ohi. L’interviewer ne se démonta pas. Bien sûr, traduire le jeu de mots littéralement n’aboutirait à rien. Il déploya alors une autre stratégie et lui demanda en français : « Souvent sous le vent, dans les lagons, entendez-vous mugir les coraux contre le blanchiment ? ». Son interlocuteur roula les yeux longuement, laissant apparaître son désarroi, puis se lança dans une tirade en reo ma’ohi qu’on pourrait résumer par cette simple phrase : « je n’ai jamais blanchi d’argent, je ne vois pas pourquoi je commencerais par les coraux ». Nara’i conclut l’entretien : « Mauruuru Tavana ! Vos électeurs apprécieront ».


 

- Tintin au pays des soviets : Bien sûr Nara’i n’a pas lu davantage la littérature soviétique que l’album publié en 1930 par Hergé, mille sabords !

 

À une vahine qui avait échoué au titre de miss Taiarapu Est mais – comme lot de consolation – avait reçu celui de « miss belles jambes », il asséna : « à quel âge as-tu arrêté l’équitation ? ». La demoiselle ouvrit la bouche sans pouvoir la refermer, regarda autour d’elle et bredouilla des « équitation ? équitation ? ». Nara’i, à la cantonade, soupira : « je n’ai pas choisi le bon cheval ». Il enchaîna en posant des questions sur la taille, le poids et la composition des petits déjeuners de son invitée.


À un adjoint au maire d’une commune de Huahine qui se plaignait de ne pas pouvoir appliquer le CGCT[2] tel qu’il était en matière de traitement des ordures ménagères, à la fois à cause des exigences de l’État et de l’incurie du maire, Nara’i lança : « on va nettoyer l’incurie du maire ».

 

[2] Le CGCT ou Code général des collectivités territoriales exige des communes que des dispositions soient prises rapidement pour doter les habitants d’eau potable et d’une sains gestion des déchets ménagers par exemple.

 

En début d’année scolaire, il reçut un professeur expatrié tout nouvellement arrivé sur le Fenua. Il lui demanda d’abord s’il acceptait que ses élèves de sixième le tutoient. « J’entends bien, reconnut-il, mais moi je vais continuer à vouvoyer les petits ». « Dont acte » acta Nara’i qui poursuivit : « quelle a été votre motivation pour candidater sur un poste en pays ma'ohi ? La température du lagon ? les vahine ? L’indexation ? Le ras-le-bol de la France ? ». Le professeur regretta d’être venu sur le plateau et faillit se lever pour quitter le studio. L’air pincé, il se contenta de cette réponse : « ma femme a été nommée au cabinet du haut-commissaire et je l’ai suivie ». Nara’i répliqua : « alors, comme ça, en métropole aussi les épouses commandent ! ». Le professeur grimaça et pour se défaire de ce mauvais pas lâcha un « ben oui ! que voulez-vous ? ».


L’interview du vice-amiral, Commandant des forces supérieures des armées, resta dans les mémoires. Comme l’interviewer demandait qui viendrait protéger la Polynésie en cas d’agression (chinoise par exemple dit Nara’i d’un ton qu’il croyait malicieux), le Commandant répondit : « il faudrait explorer les possibilités offertes par l’OTAN ». « OTAN ? OTAN ? interrogea Nara’i, cela ne rappelle-t-il pas une célèbre émission de télévision ? ». « De quoi parlez-vous donc ? ». « Commandant, vous avez un âge qui vous permet certainement de vous souvenir de La Caméra explore l’OTAN ! ». Le vice-amiral resta imperturbable et sans un rictus lança : « Oh ! vous savez, déjà Lamartine écrivait OTAN suspend ton vol ! ». Nara’i bafouilla et suggéra : « vous évoquez sans doute la série La Martine à la mer, La Martine à la montagne… ». L’invité fit diversion et aborda d’autres sujets. Quelques jours plus tard, il confia à un journaliste d’une chaîne concurrente: « J’ai dû me retenir parce que j’envisageai de lui balancer Pour vous, l’OTAN en emporte l’auvent!».


Stéphane était à la fois gêné de la façon dont son employé menait les entretiens et satisfait de constater que l’audimat montait chaque fois que Nara’i officiait. Il le titularisa avec le titre ronflant de « Premier interviewer de Che nou ». Les téléspectateurs se reconnaissaient en Nara’i et appréciait sa maîtrise des langues ou du moins l’usage qu’il en faisait. Même devant un invité australien venu surfer la vague de Tehaupo, il ne se démontait pas. Il posait des questions en anglais qu’il traduisait immédiatement en reo ma'ohi, puis en français. Il procédait de la même façon avec les réponses de l’interviewé et ajoutait des commentaires bien à lui tantôt dans une langue, puis dans une autre selon les possibilités de celles-ci à faciliter la plaisanterie… de mauvais goût certes, mais dont le public raffolait.


Nara’i était bien installé dans son rôle d’interviewer. Les chaînes concurrentes hurlaient contre le manque de sérieux et même criaient au populisme, mais c’était la mode d’employer des mots dont on ne connaissait pas le sens réel. Peu importait à Stéphane qui estimait avoir trouvé un bijou. Il s’agissait maintenant de lancer Nara’i dans des entretiens avec des invités d’un autre niveau. L’occasion se présenta avec la visite à Tahiti du ministre d’État, Edmond Dantesk, chargé de la lutte contre les discriminations.


Ce dimanche soir, après le journal télévisé, Nara’i reçut donc le ministre qui avait passé l’essentiel du week-end à Moorea. Cela ne trompait pas car, malgré les efforts du maquilleur – oui, c’est vrai, ce soir là Stéphane recruta un maquilleur pour prouver au ministre que Che nou, il n’y avait aucune discrimination – malgré ses efforts donc, le pif du ministre aurait attiré une tirade de Cyrano de Bergerac du type : « un nez, monsieur le Ministre, que dis-je ? Un sémaphore ! ».


- Iaorana tatou, j’ai le plaisir ce soir de recevoir le ministre d’État Edmond… euh !

- Dantesk, Edmond Dantesk !

- Oui, Edmond Dantesk, ministre d’État qui va nous apprendre des tas de choses.

- Du moins vais-je essayer !

- Avant toute chose, monsieur le ministre d’État, à quoi sert un ministre de la République ?


Le ministre tenta de prendre la parole, hésita, se gratta le nez dont un morceau se détacha sur la table du studio, puis s’enhardit :

- Vous savez, le monde est perpétuellement en mutation et il faut constamment se pencher sur de nouveaux problèmes, que ce soit sur le plan économique ou sociétal. Les changements de paradigmes sont nombreux de nos jours. Un ministre est chargé d’étudier un ou plusieurs grands problèmes et de proposer des solutions aux députés et sénateurs qui, quelquefois, s’opposent avec détermination aux projets gouvernementaux au travers d’oxymores qui révèlent qu’ils ne sont pas aux manettes du pays.

- Vous parlez comme le journaliste popa’a d’une chaîne concurrente. Mais avez-vous des exemples précis ?

- Quand un président américain décide de taxer le vin français, il faut bien trouver une solution pour le vendre ailleurs qu’en Amérique.

- Comptez sur nous monsieur le Ministre, la Polynésie vous y aidera. Nous sommes Français après tout, non ?

- Cela réchauffera le cœur de nos viticulteurs, mais n’oubliez pas de boire avec…

- Modération ! le coupa Nara’i qui enchaîna sur les problèmes du ressort du ministre.

- Mon rôle est de lutter contre les discriminations, toutes les discriminations.

- Précisez, là encore !

- Avant tout, il y a le racisme bien sûr ! mais il y a les discriminations à l’égard des femmes, des handicapés, des homosexuels, des…

- Oui vous avez bien raison de vous attaquer à l’homophobie ! Que faites-vous contre la grossophobie ?

- Je ne vous en ai pas parlé parce que j’ai cru comprendre que chez vous, en Polynésie, le poids n’est pas un facteur discriminant.

- Comment donc ! vous n’avez donc jamais entendu le récit de Vaimalama ?

- Vaimalama ?

- Vous connaissez quand même notre miss Tahiti devenue miss France 2019 ?

- Ah oui ! bien sûr ! Très jolie ! On dit que vous l’aurez un jour présidente du pays… mais quel rapport avec la grossophobie ?

- Vous l’avez entendue expliquer que toute jeune, les garçons et les filles de son âge se moquaient de ses formes ?

- Non pas vraiment. Elle a suivi un régime ?

- J’étais sûr, tellement sûr, que vous alliez poser la question que j’ai demandé à Vaimalama de vous envoyer le menu de ses repas quotidiens.

- Cela me changera sans doute des repas à l’hôtel de Lassay.

- À l’hôtel de lacet ? vous vivez à l’hôtel ?

- Non, j’ai un appartement à Paris. L’hôtel de Lassay, c’est la résidence du président de l’Assemblée nationale.

- Revenons aux discriminations. Au fond, c’est un problème qui date de Jérusalem…

- Qui date de Mathusalem, coupa le ministre.

- C’est possible, dit Nara’i, mais je ne connais pas cette ville-là.


Le ministre prit visiblement sur lui de répliquer de façon enjouée :

- Cela ne m’étonne pas, il y a si peu de compagnies aériennes qui la desservent.


Pour une fois, décontenancé, l’interviewer essaya de se reprendre :

- Que faites-vous contre l’altérophobie ?

- Pardon ?

- Oui, par exemple, ici, il y a des adeptes du body-building ou de l’haltérophilie qui ne pensent qu’à montrer leurs muscles.

- Oui et alors ?

- Alors, il y a toujours des gens pour les moquer sur les réseaux sociaux.

- Je n’avais pas pensé à ça.

- Dites-nous maintenant ce que c’est qu’un ministre d’État.

- C’est un ministre qui est un peu plus important que les autres.

- Donc, au Conseil des ministres, il y a de la discrimination ?

- Non ! enfin, non, c’est pour montrer que ces ministres d’État sont chargés de résoudre les problèmes prioritaires.

- Les discriminations sont donc plus importantes que la réforme des retraites ou que le changement climatique ?

- Non, c’est inexact. Ce titre est donné à titre temporaire en attendant qu’un autre problème soit traité prioritairement par le Gouvernement.

- J’ai l’impression que vous n’avez pas vraiment préparé cette interview ?

- Détrompez-vous ! C’est que compte tenu de vos spécificités locales vous ne réalisez pas tout-à-fait ce qu’est gérer un grand pays comme la France.

- Mais les problèmes sont les mêmes qu’on soit un grand ou un petit pays.

- Dans le cas de votre pays, les dirigeants ont moins de responsabilités que les dirigeants français.

- Comment osez-vous dire cela ?

- Bien oui ! vous ne devez pas vous préoccuper de la valeur de la monnaie, de la défense de votre territoire, de la justice, l’éducation est largement financée par l’État…

- On est des incapables alors ?

- Non, ne mélangez pas tout.

- Vous êtes sûrement communiste…

- Pourquoi dites-vous cela ?

- Vous parlez comme Staline !

- Tiens donc ! Expliquez-vous.

- Oui, Staline disait qu’il ne fallait pas mélanger les torchons et les soviets !


Là, c’en fut trop pour Edmond Dantesk qui se leva et sortit du studio. Nara’i resta imperturbable et voulut reprendre la parole :

- Bon, vous avez compris, un ministre d’État, ça ne sert pas à grand-chose.


Dans son bureau, où il écoutait l’interview, Stéphane donna l’ordre de couper la parole à Nara’i et de lancer un tamure endiablé, le temps qu’il trouve une façon de ne pas faire perdre la face à Che nou. Il appela un cameraman et après avoir bu un grand verre d’eau, il parut à l’écran.


- Iaorana tatou, Che nou, c’est votre télévision. Elle est ce que vous êtes, ni plus bête, ni plus intelligente que vous n’êtes. C’est pourquoi elle met toutes les informations à votre portée. Che nou, et tout devient compréhensible. Et tant pis si certains ne le comprennent pas. Che nou, et tout se termine en musique du Fenua


Sur l’écran apparut un groupe de chanteurs et musiciens qui répéta plusieurs fois le générique de la station : Che nou, c’est chez nous, donc Che nou c’est à vous, à vous, à vous…


 

Jamais deux sans trois, il y a de la place pour une troisième chaîne

 



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