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Je ne suis pas économiste, mais… Réflexions sur la consommation au paradis terrestre

Après avoir critiqué l’ultracrépidarianisme[1], je vais tomber dans ce défaut… histoire de prouver que chacun y succombe régulièrement.


 

Les notes qui suivent ont été engendrées automatiquement par le recours à l’intelligence superficielle.


[1] L’ultracrépidarianisme est le défaut qui consiste à dire qu’on n’est pas spécialiste d’une question, mais qu’on donnera quand même son avis. Maeva avait consacré un article moqueur à ce sujet dans le n° 441 de Tahiti Pacifique. (lien) Elle tombe sous le coup de sa propre critique. En fait, c’est de l’auto-dérision, une caractéristique de son blog.

 

Je suis toujours admirative lorsque je lis les pages économiques des médias. Celles que je trouvais dans le défunt Tahiti-Pacifique « m’interpelaient quelque part » comme se plaisent à l’énoncer quelques zozos qui n’osent pas avouer où ça les secoue. Par pudeur ? À défaut d’avoir vraiment ressenti quelque chose qui leur aurait permis de situer l’endroit précis de l’interpellation ?


Chez les économistes de TPM, quelle science il y avait ! Que de connaissances ! On y découvrait des notions insoupçonnées, des noms d’économistes (réputés, prétendaient les auteurs) et même de prix Nobel dont vous n’aviez sans doute jamais entendu parler. Vous lisiez leurs articles et vous aviez le sentiment de monter (l’ai-je bien écrit) dans l’estime de vous-même, surtout si vous aviez tout compris. Et après, vous étiez vénères contre les gouvernements qui n’écoutaient pas leurs recommandations. À vous de retrouver dans les deux phrases qui précèdent à quels économistes je faisais allusion…


Pourtant, il m’arrivait de réfléchir à ce que je venais de lire dans ces pages éco. Je ne suis pas économiste, Dieu merci, mais mes professeurs m’avaient appris l’esprit critique. J’en tire encore quelque profit. Aussi me permettrai-je – amicalement – de porter un œil Takin, comme il se doit de ma part, sur les théories économiques.


Il y a quatre considérations que les économistes ne devraient jamais oublier.

Primo, que les données chiffrées sur lesquelles ils s’appuient sont probablement erronées.

Deusio, que leurs annonces ne procurent ni l’optimisme, ni le pessimisme qu’ils en espèrent. C’est comme en météo, il y a les températures objectives et les températures ressenties. Les hommes d’affaires et les particuliers réagissent de la même manière aux statistiques économiques. Les bourses aussi !

Tercio, que si leurs prédictions se réalisent, ce peut être pur fruit du hasard et si d’aventure leur théorie permettait de résoudre une crise, on finirait par prétendre – c’est arrivé à John Maynard Keynes qui conseilla le président Roosevelt - que cette théorie serait responsable des crises suivantes. Quitte à revenir à Keynes quand le coronavirus s’attaque même aux fondamentaux économiques.

Quarto, qu’ils devraient, soit prendre davantage en compte l’Histoire, soit ne pas s’aventurer à la refaire en prétendant démontrer pourquoi les crises ont éclaté. Or, c’est dans ce deuxième travers qu’ils tombent souvent, voulant à tout prix tout expliquer.


Quelquefois, il arrive même que des économistes imaginent ce qui se serait passé économiquement si telle ou telle décision prise par tel ou tel gouvernement avait été différente. Ils font de la prospective dans le passé… Il y avait bien, après la guerre, m’a raconté Papy, une journaliste de la radio qui avait (entre 1950 et 1960) une émission intitulée : « les dernières nouvelles de demain »[2].

 

[2] Notre recherche a permis de retrouver le nom de cette journaliste. Ce n’était pas Madame Soleil, mais Geneviève Tabouis (1892-1985).

 

Mettons-nous dans la tête de ces économistes-là pour partir aux origines du monde, comme disait Courbet, à un moment de l’histoire de l’humanité où tout était encore possible. Bien sûr, si Adam n’avait pas aimé les pommes, Isaac Newton n’aurait pas découvert les lois de la gravitation universelle. Si Adam n’avait pas aimé les pommes, les armées prussiennes n’auraient pas été victimes de la dysenterie pour avoir anticipé la récolte de fruits de deux ou trois semaines et n’auraient pas perdu la très symbolique bataille de Valmy (20 septembre 1792). Si Adam n’avait pas aimé les pommes, Paul Cézanne n’aurait pas conçu des chefs-d’œuvre les représentant. Si Adam n’avait pas aimé les pommes, dans la nuit du 17 au 18 mars 1901, le trouffion permissionnaire Duchnock n’aurait pas souffert de sa plus mémorable chiasse après qu’il eût séduit Stéphanie Tatin, chez elle, à La Motte-Beuvron et dégusté sa célèbre tarte, à moins qu’il ne s’agisse de Caroline, l’autre sœur qu’il avait aussi honorée lors d’une précédente permission. Si Adam n’avait pas aimé les pommes, Jacques Chirac n’aurait pas été élu président de la République en 1995. New York n’aurait pas eu son surnom. Et imaginez un monde sans pom-pom girls.


Pour illustrer mon raisonnement, restons dans le domaine des pommes.


Je n’ai encore jamais lu une étude sur la nature des pommes qui poussaient au jardin d’Eden[3]. Pourtant, cela ne manquerait pas d’intérêt. Si Êve avait proposé à Adam une quelconque pomme normande à cidre, il n’est pas certain qu’il aurait seulement eu envie d’y porter les lèvres. Mes amis Normands, nombreux à Tahiti, me pardonneront-ils cette « takinerie » ? Je vous laisse imaginer leur réponse qui, vous le savez bien, ne vous apprendra rien puisque ce sera une réponse de Normands.

 

[3] Toutefois parmi les amis de Maeva sur Facebook, quelques-uns d’entre eux s’y sont essayés. Maeva, sois donc plus attentive à ce qu’écrivent tes amis !

 

Avez-vous déjà consulté les statistiques de production de pommes dans le monde ? Les économistes vous montreront des courbes croissantes ou décroissantes, différentes du reste selon qu’elles expriment des volumes de production ou des valeurs. Les volumes peuvent s’amplifier et les valeurs s’effondrer ou le contraire. Les géographes, eux, vous établiront des cartes indiquant où on les produit, avec par exemple des carrés censés traduire les volumes. Ils dessineront des flèches symbolisant les courants d’échange entre les lieux de production et ceux de consommation. Éventuellement avec l’incidence carbone. Des quantités donc. Quid de la qualité ?


C’est qu’en effet, pour ces doctes savants que sont les économistes et les géographes, les variétés de pommes, leurs formes et leurs couleurs, leurs qualités nutritives ou gustatives sont « quantités » négligeables. À moins de tomber sur une sous-discipline de la géographie (je vous assure qu’elle existe) qu’on appelle la géo-poétique et que beaucoup d’universitaires un peu sourdingues confondent avec la géo-politique… Si j’étais économiste, j’inventerais l’éco-poétique. Je suis sûre que les lecteurs apprécieraient cette façon d’aborder la discipline.


Donc, plutôt que quantité ou valeur marchande, je me suis posée des questions, notamment sur la variété de pomme consommée dans la Genèse. Je fais un pari après déductions. Adam et sa compagne étaient nus. Le climat le permettait donc. Le jardin d’Eden devait se situer dans une zone tropicale. Une Cythère avant la lettre. Et un fruit délicieux puisque, malgré les ennuis qui ont suivi, Adam et Ève se sont adonnés à la croissance à qui mieux-mieux. Or, il est une pomme peu connue des Occidentaux et qui n’est nullement objet d’échange, mais bien répandue à Tahiti, qu’on nomme pomme-cythère… Une allusion sans doute à Bougainville et à ses marins qui crurent aborder au paradis terrestre. Les Ma’ohi d’autrefois raffolaient de cette pomme, malgré la légère odeur de térébenthine qu’elle laissait dans la bouche, après dégustation. Et ce dernier point confirme bien ce que j’avance. Le plaisir qu’on prend à croquer la pomme-cythère est suivi d’un arrière-goût indéfinissable de malaise. Les sexologues évoqueront la dysphorie postcoïtale, un barbarisme qui se traduit par « le blues après l’amour ». Serge Lama en a d’ailleurs fait une chanson qui n’est pas la meilleure que le Lama doué ait produite. Avions-nous bien fait de consommer la pomme-cythère ? Sans doute, puisque nous recommençons dès que possible, quitte à nous reposer la même question! Donc, vous l’admettrez, mon hypothèse est solide qui veut que ce fut la pomme-cythère qu’Adam mordit, quitte à s’en mordre les lèvres.


Évidemment, la pomme-cythère, les Ma’ohi, pas fous, ne l’ont pas commercialisée et elle n’apparaît nulle part dans les statistiques économiques. Elle ressortit de l’auto-consommation, jalousement préservée. Mais gageons que, le jour où une vahine bien de chez nous tendra une pomme-cythère à un économiste distingué, il ne pratiquera plus sa discipline comme auparavant. Et ce qu’il écrira dans les magazines fera saliver les lecteurs (et aussi les lectrices). Vive l’éco-poétique !


Gageons également qu’à la lecture de ce billet, bien des économistes ressentiront un brutal reflux gastro-oesophagien qui provoquera une douloureuse brûlure à hauteur

de leur proéminence laryngée, plus connue sous l’appellation « pomme d’Adam ».



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