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Aller au Valhalla en lava-lava

À chacun son paradis, même au paradis terrestre…


Papy m’a raconté le scandale qui avait secoué le Fenua (et pas seulement) en 1972, quand le chanteur Michel Polnareff clama : « On ira tous au paradis ». Les pasteurs et les curés étaient scandalisés. Les enfants chantaient ça à l’école du dimanche ou au catéchisme. Impossible alors de faire admettre qu’il existait un paradis et un enfer et qu’on irait dans l’un ou l’autre (certaines Églises ajoutant éventuellement un passage plus ou moins long au purgatoire, sans doute en attendant l’effet du suppositoire permettant la purge). Un jugement attendait toute âme qui quittait le corps mortel. L’âme ? Avec quel scalpel le médecin légiste irait dénicher sa localisation ?

Alors selon les Églises, la répartition entre les deux lieux serait simple : les vertueux seraient revêtus d’une robe blanche et, un cierge à la main, seraient dans la nébuleuse du Créateur pour l’éternité. Les non-vertueux (et certaines Églises visent surtout les non-vertueuses) seraient privés pour l’éternité du bonheur d’être assis à la Table si conviviale réservée à leurs contraires.


Toute la cléricature se déchaîna contre le chanteur. Déjà, deux ans avant, l’évêché de Paris avait porté plainte contre lui quand il chantait : « L’amour avec toi ». Les soutanes soutenaient qu’il s’agissait de pornographie On ne savait pas encore que certains membres de la confrérie des célibataires endurcis qui estaient en justice seraient un jour poursuivis pour pédo-pornographie !


Alors bien sûr, la musique entraînante de Polnareff et les habiles paroles de Jean-Loup Dabadie connurent un succès extraordinaire dans les années soixante-dix. C’était si facile à retenir (extraits) :

On ira tous au paradis mêm’ moi

Qu’on soit béni ou qu’on soit maudit, on ira

Tout’ les bonn’ sœurs et tous les voleurs…

Avec les chrétiens, avec les païens…

On ira tous au paradis.


Ce qui souleva les soutanes, ce furent ces deux vers :

Ne crois pas ce que les gens disent

C’est ton cœur qui est la seule église…

 

Michel Polnareff - Des chansons comme les siennes, il ne les emportera pas au paradis !

 

J’ai lu récemment un sondage sur les Français et le paradis. Eh bien, le paradis n’est plus ce qu’il était. La plupart des métropolitains cherchent plutôt des satisfactions terrestres pour espérer connaître ici-bas un moment (voire un lieu) paradisiaque. Manifestement, si certains croient encore en l’au-delà, l’enfer n’est plus une préoccupation. Ceux qui espèrent connaître la félicité après la mort imaginent revoir la famille (« Familles, je vous hais » écrivait pourtant André Gide), les amis («Gardez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge » demandait Voltaire) et trouver le bien-être (notion vague s’il en est).


Il n’y a plus guère que les musulmans qui rêvent d’un nouvel Eden où règneraient la paix et l’harmonie sous les jujubiers aux fruits abondants… et sous lesquels Allah permettrait qu’on copulât allègrement avec les vierges réservées aux plus fidèles des fidèles. Et qui plus est, des filles qui n’auraient pas de mères. Le paradis ne se concevrait pas avec des belles-mères.


Je voulus savoir de ce qu’il en était chez nous. J’entendais de braves gens proclamer que le Covid ne les effrayait pas car ils seraient auprès de Jésus avant les autres. Aussi, munie du matériel adéquat, sillonnais-je la capitale pour réaliser des micro-trottoirs entre les chewing-gums, les dalles descellées, les déjections canines et parfois humaines et quelque poubelle déjà vidée par de faméliques amis de l’homme qui ne trouvaient plus d’amis. Je vous livre le verbatim de mon «sondage ».


Papeete, le jour de la Saint-Glinglin de l’an de grâce 2021 :

Nous voilà dans les rues de Papeete. Devant nous s’arrête une voiture du service de l’équipement. Un monsieur en sort.

- Dites-nous ce que vous allez faire.

- Je vais remplacer un panneau stop qui a été défoncé par une automobile.

- Bien, c’est très utile. Dites-nous comment vous imaginez le paradis où vous irez certainement… le plus tard possible.

- Ah ! je vois un immense boulevard central dont notre Père céleste me confierait la gestion. Je mettrai tous les panneaux qui indiqueraient clairement les différentes « maisons » selon la parole de Jésus qui annonçait qu’il y aurait plusieurs demeures auprès du Père.

- Bien. Et qui aimeriez-vous rencontrer là-haut ?

- L’inventeur de la signalisation routière, le Seigneur des panneaux.

- Et qui n’aimeriez-vous pas rencontrer ?

- L’inventeur des vidéos-surveillance. À cause de lui, je suis obligé de faire très attention quand je fais des pauses un peu prolongées…


Nous quittons ce brave fonctionnaire territorial pour interroger un monsieur bien connu qu’on voit souvent à la télé et au Palais Bourbon (où il ne boit pas de whisky).

- Monsieur le représentant du peuple, de quel paradis rêvez-vous ?

- Le Valhalla. Oui, le Valhalla.

- Pourquoi le Valhalla ?

- C’est le paradis des Vikings, vaillants combattants qui, avec leurs drakkars, firent trembler l’Europe. Nous les Ma'ohi, on a comme eux sillonné un immense espace qu’aucun autre empire n’a possédé.

- Comment vous imaginez-vous parmi ces vaillants Vikings ?

- Je m’imagine au Valhalla en lava-lava avec pour Valkyrie Vaimalama.

- On ne doute pas que ce sera le jardin des délices.

- Avec qui ne voudriez-vous pas cohabiter au Valhalla ?

- Je ne voudrais pas y rencontrer le procureur qui a tant fait de mal à mon parti. Je voudrais que soit, au Valhalla, Leroy absent[1].

 

La note ci-dessus est générée automatiquement par notre recours à l'intelligence superficielle. [1] De vifs échanges ont lieu régulièrement entre le procureur H. Leroy et les dirigeants du Tavini. Maeva a cherché un jeu de mots minable avec le roman écrit par le député : « Le roi absent ».



 

La valkyrie emmenait l’âme des héros au Valhalla

 

Voici un groupe de femmes dans laquelle semble dominer la Dame du Luxembourg. Celle-ci parle très fort et semble dire tout haut ce que les autres penseront tout bas après avoir été ainsi endoctrinées sur les sujets les plus divers : le Covid, le féminisme (qui lui sied tant), l’autonomie, le prix des courgettes et les courbettes que Fritch ferait à Macron… Nous nous approchons, tournant un peu la tête pour éviter quelque décibel égaré.

- Vous qui avez été élue par de grands électeurs, quelle place élective aimeriez-vous qu’on vous concédât auprès du Père céleste ?

- Qu’on me cédât ! qu’on me cédât ! s’écria-t-elle offusquée. J’ai droit à une place privilégiée.

- Vous avez raison, même au paradis, les femmes doivent être exigeantes.

- Comprenez bien que le paradis, pour moi, c’est de passer inaperçue. Je suis trop en vedette au Fenua et même au palais du Luxembourg quand je discours devant six sénateurs occupés sur leurs smartphones.

- Et comment donc pourriez-vous passer inaperçue ?

- Je voudrais être parmi mes animaux préférés.

- Lesquels ? Des lémuriens, des émeus ou des wombats ?

- Pas du tout. Je suis plus classique. J’aime les chiens. Si j’étais parmi eux dans les étoiles, ma voix ne porterait pas loin et personne ne saurait que je suis là, pas même mon interlocuteur préféré.


Nous ne nous permettrons pas de l’interroger sur ce dernier. Nous saluons, mais ce n’est pas nécessaire : la dame a déjà repris le cours de son cours sur les choses de la vie… ici-bas.


Nous abordons maintenant un monsieur au visage si rouge que le fond blanc naturel se devine.

- Comment espérez-vous que soit le paradis ?

- Ne vous fatiguez pas, je ne crois ni à Dieu ni à diable !

- Au moins, c’est clair ! Poursuivons notre chemin.


Et voilà un monsieur tout d’orange vêtu auquel il faut répéter plusieurs fois les questions.

- Monsieur l’ex… ex de beaucoup de choses, mais vous êtes aujourd’hui président à vie du Amuitahira’a o te Nuna’a Ma’ohi. Comment imaginez-vous le paradis ?

- Ce n’est pas demain que j’irai. Il y a d’abord les législatives de 2022 et les territoriales de 2023 et la présidentielle de 2027.

- Quand même, ce serait quoi le paradis pour vous ?

- Une gigantesque orangeraie où les fruits abondants et juteux seraient à la disposition de tous.

- Qui aimeriez-vous y rencontrer ?

- Le général de Gaulle.

- Celui qui a installé le CEP en Polynésie ?

- Non pas celui-là, l’autre !

- L’autre ? celui qui a supprimé l’autonomie ?

- Non, pas celui-là, l’autre.

- Ah ! bon ! Il y en a encore un autre ? Bon, pensons à d’autres personnes.

- Oui, il y a les femmes que j’ai aimées…

- Êtes-vous sûr qu’elles vous attendent avec impatience ?

- Vous avez raison, dans l’orangeraie, elles ne me feraient pas de quartier ! Mais je pense surtout à la dernière.

- Mais avec la différence d’âge, elle n’est pas prête à aller y prendre ses quartiers !

- C’est bien pourquoi je ne suis pas pressé, si je puis dire, d’aller y boire un jus.

- Et qui ne voudriez-vous surtout pas rencontrer ?

- Celui qui me causait tant de pépins, vous savez, un certain procureur qui avait été payé par l’État pour me rentrer dans le chou. Celui-là, je voudrais le crucifier en ne quittant pas ce bas-monde avant lui et avant la souveraineté de notre Pays que nous obtiendrons dès que la parole sera rendue au peuple.


Voici maintenant un brave Ma’ohi, sans signes distinctifs, qui nous permettra sans doute de connaître la vision de ses brads

- Iaorana, comment serait le paradis d’après toi ?

- Paradis ? Paradis ? Je n’imagine pas, car moi, je crois en la réincarnation et j’ai encore un long parcours à accomplir.

- Et en quoi voudrais-tu te réincarner ? En abeille pour les ruches de Teiva Manutahi ?

- Pas du tout ! J’aimerais me réincarner en coronavirus !


J’ai remballé mon matériel et fui le plus vite et le plus loin possible.


Tout’ les brebis et tous les bandits

On ira tous au paradis.


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